Le féminisme intersectionnel est un féminisme décolonial

Une motion a été présentée récemment, à l’Assemblée nationale, par Québec solidaire, demandant que « l’analyse différenciée selon les sexes se fassent dans une perspective intersectionnelle afin de défendre le droit de toutes les femmes au Québec ». Refusant d’insérer l’intersectionnalité, cette motion a été rejetée par le gouvernement caquiste et sa ministre responsable de la Condition féminine, Martine Biron, que l’on a accusé de s’accrocher à un féminisme des années ’50, démodé et désuet, qui n’était pas inclusif.

L’intersectionnalité, une méthode d’analyse

Issu de la Théorie critique de la race en vogue aux États-Unis à partir des années ‘90, l’intersectionnalité est une méthode d’analyse crée par la juriste américaine Kimberlé Crenshaw qui soutient qu’une même personne peut être au carrefour (à l’intersection) de plusieurs discriminations, ainsi, par exemple, une femme noire pourrait subir une double discrimination en vertu de son genre et de sa race. 

Or, nous dit Crenshaw, le droit américain recèle un angle mort qui ne permet pas à une plaignante de porter plainte à la fois pour sexisme ET pour racisme, le racisme s’appliquant aussi aux hommes noirs et le sexisme concernant toutes les femmes, indépendamment de leur race. C’est alors que Crenshaw proposa une méthode d’analyse, l’intersectionnalité, qui puisse prendre en compte plusieurs motifs de discrimination que pourrait vivre une même personne.

Le féminisme intersectionnel opposent les femmes blanches aux femmes racisées.

Le féminisme s’est approprié cette méthode en appliquant le concept de race à l’ensemble des femmes, divisant celles-ci en femmes blanches et non blanches, introduisant alors une dynamique de rapports de pouvoir entre les femmes, les blanches formant la majorité dominante face à des minorités racisées et dominées, dans laquelle toutes les femmes blanches sont par essence des privilégiées. 

Le pire ennemi des femmes n’est donc plus le patriarcat, mais les femmes elles-mêmes, les femmes blanches étant devenues, à cause de la couleur de leur peau, l’ennemi principal des femmes racisées. Des femmes blanches appauvries, des aînées blanches, seules et démunies, des femmes blanches handicapées, toutes ennemies des femmes racisées ! On aurait voulu détruire le féminisme que l’on n’aurait pas trouver mieux !  

Le féminisme intersectionnel s’oppose au féminisme universaliste

Le féminisme intersectionnel n’a de sens et de consistance qu’à l’intérieur du paradigme décolonial qui postule que l’universel, au nom duquel les féministes revendiquent les mêmes droits pour toutes les femmes, n’est pas neutre, que cette égalité de droits n’est que le masque d’une domination coloniale, par lequel les femmes blanches veulent imposer leur propre vision du monde. 

Ainsi le féminisme universaliste qui reconnaît l’égale dignité de toutes les femmes, indépendamment de leur race, devient à travers le prisme colonial de l’intersectionnalité, un particularisme déguisé, un privilège blanc, synonyme d’hégémonie culturelle, d’impérialisme et d’arrogance occidentale. 

Les intersectionnelles iront même jusqu’à affirmer que toutes les revendications, les batailles, les gains et les acquis du mouvement féministe des dernières décennies au Québec ne traduisaient que les préoccupations et les intérêts de ces femmes blanches privilégiées, insensibles et aveugles au sort des femmes racisées. Vraiment !

Au nom de l’égalité, les réalisations du féminisme universel

Alors il faudrait nous expliquer (ce que l’on se garde bien de faire) en quoi les droits juridiques, politiques, sociaux et reproductifs obtenus au siècle dernier au nom de l’égalité et qui ont constitué de véritables avancées pour l’ensemble des femmes, en quoi ceux-ci ne concernaient que les femmes blanches ?

Le statut juridique de « personne » obtenu pour les femmes en 1929, l’égalité juridique des hommes et des femmes dans le Code civil québécois. Dans les années ‘60, la fin de la non-mixité dans les classes, l’abolition des stéréotypes sexistes dans la scolarisation. En 1968, la Commission Bird enquête sur la situation des femmes canadiennes. En 1969, la décriminalisation des moyens contraceptifs et en 1988, la légalisation de l’avortement.

En 1997, la mise sur pied d’un réseau de garderies accessibles à toutes qui a permis aux femmes de poursuivre des études supérieures, d’entrer sur le marché du travail et d’avoir une autonomie financière. L’équité salariale, le droit au congé de maternité. La modification du Code criminel reconnaissant la violence conjugale comme un crime, etc. 

Toutes ces avancées ne concernaient-elles que les femmes blanches ? Le droit à la contraception et à l’avortement permettant aux femmes de choisir leur maternité serait uniquement pour les femmes blanches ? Comment peut-on affirmer de telles âneries !

Le féminisme intersectionnel est un féminisme hautain, ingrat et sans mémoire, qui n’a que mépris pour l’histoire du féminisme au Québec, tout simplement parce que cela ne cadre pas avec le récit militant décolonial que l’on veut imposer aux nouvelles générations.

Le féminisme intersectionnel, une menace bien réelle à la survie du féminisme 

Que penser d’un féminisme qui exclut la majorité des femmes du seul fait qu’elles ont la peau blanche? La race serait-elle devenue à nouveau, comme à l’époque de l’esclavagisme américain, le surdéterminant servant à définir une personne ? 

Et que penser d’un féminisme qui divise le mouvement des femmes en pointant ses canons à l’intérieur de ses propres troupes, ses consœurs de lutte, au lieu de les braquer sur le patriarcat ? 

Que penser d’un féminisme islamophile, aveugle au sexisme du voile islamique, aveugle aux principes les plus élémentaires de la laïcité et de son histoire québécoise et qui combat la loi 21 comme étant une imposture raciste et coloniale qui ne dit pas son nom ? 

Que penser d’un féminisme qui célèbre les identités des minorités mais qui méprise la nôtre, celle de notre nation ? 

Ce féminisme, déjà bien implanté dans le milieu universitaire, médiatique et communautaire, cherche maintenant à s’enraciner dans la sphère politique avec l’aide de Québec solidaire. Ne soyons pas dupes ! C’est un cheval de Troie qui n’a qu’un objectif, décoloniser et combattre un féminisme universaliste, jugé trop blanc.

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